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Humans of Food #15
Patricia
Entrepreneuse, grande passionnée de cuisine à Strasbourg

Originaire de Kinshasa en République démocratique du Congo, Patricia se définit comme une grande passionnée de cuisine. Aux fourneaux depuis toute petite, elle se retrouve très jeune à cuisiner pour toute sa famille et effectue son premier service traiteur à l’âge de 14 ans. Depuis, son amour pour la cuisine n’a cessé de croître et elle continue à régaler ses proches…et ses moins proches, puisqu’elle a décidé de partager sa passion sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram, sous le pseudo @mamanpatox_cuisine.

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Au cœur de son travail, on retrouve avant tout la volonté d’échanger et de faire découvrir à sa communauté ses recettes ensoleillées. Aujourd’hui, l’aventure continue pour Patricia : elle est passée par les cuisines de la Grenze avant d’intégrer la brigade de l’association strasbourgeoise Stamtish et elle multiplie les expériences professionnelles localement afin de parfaire sa maîtrise de l’art culinaire.

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Qu’est-ce qui t’a amené à te diriger vers la cuisine ? Pourrais-tu nous partager un souvenir particulier lié à la cuisine de ton enfance ?

Il y en a plein, mais le souvenir le plus marquant c’est la première fois où j’ai fait des mikatés, des beignets en lingala (la langue nationale congolaise). J’avais 9 ou 10 ans et, à Kinshasa, on avait un rythme de vie où on revenait de l’école, on faisait la sieste jusqu’à 16 heures, puis les frères partaient jouer et moi j’attendais ce moment-là pour être toute seule et faire mes petites expériences. Du coup, j’ai fait ma première pâte à beignet, j’étais vraiment impressionnée de voir monter la pâte, voir comment elle prenait bien, et faire mes premières boules, j’étais trop trop trop trop impressionnée.

C’est vraiment ce souvenir que je garde, à cet âge-là, d’avoir fait mes premiers beignets et de les avoir mangé en douce pour ne laisser aucune trace de mon forfait entre guillemets. Ça fait vraiment partie de mon histoire avec la cuisine parce qu’après, à chaque fois, les amis de mes frères disaient : « on vient manger les beignets de Patricia, tu les fais quand ? ». Sur les réseaux sociaux d’ailleurs on m’appelle « maman mikatés ». J’en fais beaucoup et je ne m’en lasse jamais !

Quels sont les ingrédients phares de ta cuisine ?

C’est une question un peu difficile, parce que j’utilise de tout. Je fais plus de la cuisine congolaise, africaine, et on a beaucoup d’herbes aromatiques, donc je dirais les herbes, les oignons nouveaux, la ciboulette fraîche, tous ces ingrédients frais qui me parlent le plus et qu’on retrouve dans ma cuisine, un peu partout, dans tous les plats en sauce, dans les grillades, etc.

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Est-ce que ça t’est déjà arrivé de ressentir des émotions particulières quand tu cuisines ? (peur, nostalgie, joie…)

Oui. À chaque fois que je cuisine, je repense à ma vie, quand j’étais plus jeune, en famille. Surtout quand je fais le pain. Il faut savoir qu’à Kinshasa, où j’ai vécu, c’est différent d’ici : le soir, c’est plutôt un souper. On mange du pain avec du thé au lait et quelques petits trucs en plus s’il y en a. Mon grand frère me laissait souvent des notes : « n’oublie pas de faire le pain ». Et quand je fais du pain ici, j’ai toujours cette petite réminiscence, à la maison en train de faire la pâte, de penser à mes frères. Je viens d’une famille très soudée, avec beaucoup d’amour et je revis tous ces souvenirs que j’essaie de retransmettre aussi à mes filles. Et là, rien que d’en parler… Ce sont de très beaux souvenirs.

Il faut savoir que, d’où je viens, la cuisine est vraiment réservée aux femmes, aux filles. Et vu que je suis fille unique, tout reposait sur moi : « on mange quoi ? tu nous fais-ci, tu nous fais-ça ? ».

Pourrais-tu nous parler d’une cuisine ou d’un plat qui t’a déjà fait voyager ?

J’ai envie de parler du tchiep, c’est un plat sénégalais, à base de poisson et de légumes, et c’est vraiment le plat emblématique du Sénégal. Quand on regarde la procédure et la recette, on se dit que c’est vraiment compliqué à faire… Mais une fois qu’on se lance et qu’on le réussit surtout, c’est vraiment un plaisir et un voyage vers le Sénégal. C’est un plat qui est vraiment très bon, avec des éléments propres à ce pays, et ça fait voyager.

Le tchiep, c’est du riz mijoté avec plein de légumes et du poisson. Donc c’est vraiment un plat complet avec poisson, féculents et légumes et c’est très bon. Je n’en fais pas tout le temps parce que c’est assez long à faire, mais j’en fais quand j’ai l’occasion, et surtout quand il y a mon frère qui adore ce plat. Il vit en région parisienne, et à chaque fois qu’il vient à Strasbourg il me le commande. Je ne suis jamais allée au Sénégal, c’est vraiment un voyage culinaire pour moi. Là-bas ils utilisent du mérou, et comme on n’en retrouve pas forcément ici, on peut le faire avec un autre poisson, mais toujours à chair ferme.

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Qu’est-ce que tu aimerais transmettre avec ta cuisine ?

C’est vraiment transmettre la passion, donc cuisiner pas seulement pour manger ou pour se remplir le ventre, mais cuisiner avec envie, avec des bons produits aussi, et surtout pour faire plaisir aux gens qui goûtent cette cuisine. C’est transmettre cette passion, et cuisiner avec amour.

Et avec ma cuisine à moi, j’aimerais transmettre tout l’amour que j’ai reçu et que ce soit une cuisine qui rassemble. En réalité c’est lié, une cuisine faite par amour et puis…parce qu’on aime les gens, on veut rassembler et faire plaisir. C’est ce que j’aimerais transmettre avant tout.

Est-ce que tu aurais un souvenir à nous partager, dans lequel tu as pu transmettre quelque chose avec la cuisine ?

Oui, c’était transmettre une part de ma culture, et c’était lors de mon premier atelier de cuisine à l’Association Foyer Notre Dame. Le public de l’atelier d’abord, c’étaient des jeunes mineurs non accompagnés.

 

J’avais cuisiné des feuilles de manioc, et à la fin du repas il y a une jeune qui est venue et qui m’a dit « Merci beaucoup tata, j’ai tellement bien mangé ! Ça m’a transportée au Congo… » Ce sont des jeunes qui arrivent et qui sont déracinés, tout seuls, perdus, et pour le temps d’un repas elle se retrouvait peut-être chez elle… Ça m’a beaucoup touchée. Je ne m’y attendais pas, à ce qu’elle vienne et qu’elle me dise « Merci beaucoup tata, je me suis resservie trois fois ! »

Avec qui préfères-tu cuisiner ?

Sincèrement, je préfère être seule. Enfin je préfèrerais cuisiner avec mes filles, transmettre ce qu’on m’a transmis, mais elles détestent la cuisine. Donc je ne force pas. Et du coup je préfère être seule, c’est un moment pour me retrouver et oublier un peu le stress du quotidien, et pour faire ce que j’aime. Je ne sais pas si c’est égoïste mais…pour le moment c’est seule en cuisine ! Ça me permet vraiment de me reconcentrer sur moi-même, parce que je n’ai pas trop le temps d’avoir des hobbies, et c’est un moment de bonheur intérieur que j’aime avoir toute seule, sans dérangement.

 

Et puis quand je dépose les plats et que je vois les sourires, et ça me fait plaisir.

Plus tard j’aimerais que mes filles soient plus impliquées et pouvoir partager ce bonheur-là que j’ai avec elles, mais pour le moment elles sont juste là pour critiquer. Ce sont des critiques gastronomiques *rires*. Tant que c’est bon, elles mangent de tout mais elles ont du mal encore avec tout ce qui est congolais, et c’est ça qui me fait un peu mal. Je force mais ça ne passe pas et du coup à la maison c’est plus cuisine française, chinoise ou japonaise. Ma grande qui a 12 ans est passionnée par les mangas, et elle me montre ce qu’elle a vu et elle me demande « Maman, j’ai vu des onigris, j’aimerais bien qu’on les fasse ! »

 

Donc elles m’apprennent aussi des choses, après on cherche la recette et elles commencent avec moi puis elles m’abandonnent, mais elles me font aussi découvrir des recettes par rapport à ce qu’elles font ou ce qu’elles entendent ! Et on le refait à la maison.

Signé : Julia Wencker pour Pokaa
Photos : Julia Wencker

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